Transmission
Le Mémorial de Verdun organise la 1re édition d’un festival dédié à la transmission de l’histoire et baptisé Passeurs d’histoire. Né de la volonté de pérenniser le souvenir de la bataille et des sacrifices consentis, le Mémorial de Verdun procède à une réflexion sur sa propre finalité. Passé l’effervescence du centenaire de la Grande Guerre, confronté à la disparition des derniers témoins de ce conflit, le Mémorial s’interroge astucieusement sur la façon dont l’histoire peut se transmettre pour constituer le bien commun d’une société. Interventions d’historiens, de journalistes, de podcasteurs ou de YouTubeurs, projections de films ou de dessins animés, jeux vidéo, ouvrages historiques seront autant de points d’accès à l’Histoire avec un grand « H ».
Stratégiquement placé peu avant le 11 novembre, souhaitons bon vent à ce nouveau venu.
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- Verdun, 8-10 novembre 2024
Memento Mori
Les 26e rendez-vous de l’Histoire de Blois s’interrogent cette année sur les rapports que les sociétés entretiennent avec la Mort. Durant cinq jours, tous les aspects du Grand Passage seront évoqués par les historiens au cours des multiples débats et conférences à travers la ville. Finir d’une belle mort ou de malemort, seul ou fauché lors d’une hécatombe, tomber pour la France ou mourir dans son lit, être enterré en grande pompe ou dans la plus stricte intimité, crémation ou momification : chacun pourra regarder la Faucheuse dans les yeux et frissonner l’espace de quelques jours en attendant son heure, inscrite dans le grand livre du Destin. Mais que les professeurs ne broient pas du noir, ils pourront glaner, au gré de leurs pérégrinations dans Blois, de quoi nourrir leurs cours sur la Préhistoire ou l’Antiquité en 6e, sur le rapport des hommes du Moyen Âge avec les trépassés ou encore sur l’impact des carnages du XXe siècle sur les sociétés européennes.
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Requiem æternam dona eis
1559-1610 : la séquence qui débute par la mort accidentelle d’Henri II lors d’une joute et se clôt par l’assassinat d’Henri IV constitue une page dramatique de l’histoire de France. Pendant près de 40 ans, souverains, prélats, chefs de guerre, Grands du royaume négocient, intriguent ou s’affrontent. Deux régicides, huit guerres de religion et un nombre effroyable de massacres plus tard, l’État royal sort, paradoxalement, affermi de cette épreuve.
Non sans une certaine audace, le musée de l’Armée consacre une très belle exposition à ces heures sombres. Rassemblant tapisseries qui se lisent comme autant de bandes dessinées, superbes armures, toiles provenant de divers musées, ouvrages imprimés ou gravures, l’institution fait entrer le visiteur dans cette époque de bruit et de fureur. Malgré une indéniable gravité, cette manifestation constitue une splendide illustration pour permettre aux enseignants de traiter le cours Humanisme, Renaissance et réformes religieuses en 2de, voire celui sur les réformes et les conflits religieux en classe de 5e.
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- Musée de l’Armée, Paris
- 5 avril-30 juillet 2023
Cartes sur table
Après un excellent et fort riche Atlas historique mondial, paru en 2019, Christian Grataloup récidive avec un Atlas historique de la France paru voici quelques mois. En près de 375 cartes, le géographe spécialiste de géohistoire déroule le film d’une « fabrique » de la France en cinémascope.
Dans la lignée du XIXe siècle, l’auteur s’attache aux différents portraits géographiques du territoire français. Étudiant la véritable icône nationale que constitue la carte de France, telle celle de Vidal de la Blache ou celle du Tour de la France par deux enfants, l’auteur s’interroge sur le roman national.
Puis le cœur de l’ouvrage rassemble des cartes issues du fond de la revue L’Histoire, allant de la pré-France au planisphère de son insertion dans le monde de 2020. Jouant avec les échelles, l’auteur alterne les coups de projecteurs (les protestants du XVIIe au XVIIIe siècle, les expéditions militaires de Napoléon III, la France de l’affaire Dreyfus, etc.) et les grandes étapes (Charlemagne, Louis XI, la Renaissance, la Révolution, la Grande Guerre etc.). Certaine ont d’étranges résonances contemporaines, telles ces cartes de la peste à Marseille et en Provence en 1720. D’autres étonnent telle celle de la diversité des toitures au XVIIIe.
L’auteur s’intéresse enfin aux usages du passé. De la carte des chantiers archéologiques de l’INRAP à celles de la légende napoléonienne, des mémoires industrielles ou des grands écrivains, Christian Grataloup s’interroge sur la patrimonialisation à l’œuvre depuis quelques décennies et sur la « passion de l’histoire » censée animer les Français.
Véritable malle au trésor pour l’enseignant de collège ou de lycée, cet Atlas historique de la France constitue une somme cartographique à se procurer de toute urgence.
Informations
- Christian Grataloup
- Charlotte Becquart-Rousset
- Les Arènes/L’Histoire
- 2020
- 320 p., 24,90 €
Opération Citadelle
Après de longs mois de restauration, le Palais des Beaux-Arts de Lille présente de nouveau dans ses sous-sols un véritable trésor historique : les plans-reliefs d’une quinzaine de villes du Nord de la France, de Belgique ou des Pays-Bas. 400 m2 de maquettes incroyablement détaillées qui offrent une spectaculaire vision des villes du Nord à l’époque moderne.
Réalisés pour la plupart aux XVIIe et XVIIIe siècles, ces plans-reliefs sont d'abord des objets de prestige destinés à matérialiser le pouvoir royal. Exposés à la Cour, ils témoignent de la domination exercée par le souverain sur des villes parfois fraîchement conquises.
Mais ce sont aussi des objets stratégiques puisqu’ils servent à étudier les fortifications des villes pour les défendre, les prendre ou les reprendre selon les aléas de la guerre. D’ailleurs, leur taille était déterminée par la portée des canons, ce qui explique les nombreuses tables montrant la campagne environnante. Ces reliefs constituent de véritables reconnaissances aériennes du XVIIe siècle, en somme…
Enfin, ce sont de magnifiques objets esthétiques dans la contemplation desquels le visiteur pourra s’abîmer en étudiant le bâti des villes du Nord au XVIIe-XVIIIe siècle ou l’extraordinaire dessin des fortifications du génialissime Vauban. Pas une brique, pas une tuile, pas un pavé, pas un bastion, pas une courtine ne manque à la fidèle reproduction des lieux. Ces merveilles réalisées en bois, en papier, en fil de soie, peintes et ornées de sable pour les rendre plus réalistes, sont magnifiées par la restauration. Arbres et champs ont en effet retrouvé leur vert prairie, l’eau des canaux semble plus limpide tandis que les murs des villes ont recouvré leur teinte rouge brique si caractéristique.
Star de la présentation, le plan-relief de Lille, rescapé des vicissitudes de l’histoire, puisqu’il fut « capturé » par les Prussiens en 1815 et emmené à Berlin pour y être exposé à l’arsenal. Sévèrement abîmé lors de la Seconde Guerre mondiale, le cœur de la ville est cependant rapatrié en 1948, amputé des tables figurant les campagnes avoisinantes, qui ne survécurent pas aux bombes alliées et aux obus soviétiques. Grâce à des écrans tactiles, le visiteur peut zoomer sur 70 points d’intérêt pour les observer en détail, de la Grand’Place à l’Hospice Comtesse en passant par… la maison de l’ingénieur responsable du plan-relief.
La visite des plans-reliefs de la « ceinture de fer » conservés à Lille constitue une superbe illustration du règne de Louis XIV dans les programmes de collège ou du chapitre des nouveaux programmes de 2de sur l’affirmation de l’État dans le royaume de France.
Informations
- Palais des Beaux-Arts, Lille
- Depuis le 16 mars 2019
La Cité de Dieu
Réédité en version intégrale voici quelques mois, La Passion des Anabaptistes, du scénariste David Vandermeulen et du dessinateur Ambre est un objet doublement détonnant.
Par son sujet d’abord. L’album évoque en effet le bouillonnement de la réforme dans l’Allemagne du XVIe siècle, et en particulier l’épopée des anabaptistes de Münster. Cette frange radicale s’opposa au pouvoir politique et religieux en Westphalie, allant jusqu’à instaurer une théocratie millénariste en la bonne ville de Münster (1534-1535). L’Allemagne du début du XVIe siècle est marquée par des révoltes paysannes qui contestent l’autorité seigneuriale et désirent imposer sur Terre la justice d’inspiration « divine », plus égalitaire, que promet la Bible, tandis que des prédicateurs révolutionnaires s’opposent à l’Église catholique, jugée corrompue. Le récit entremêle la vie de Martin Luther avec le destin de trois personnages historiques (Joss Fritz, meneur d’une révolte populaire ; Thomas Müntzer, prêcheur révolutionnaire tour à tour proche puis opposé à Luther ; et Jan van Leiden, souverain messianique et illuminé de Münster). Temps troublés, bouleversements et controverses théologiques, fanatisme religieux, troupes de lansquenets contre armées de « rustauds » se déploient au fil des pages de cette passionnante et peu commune évocation historique.
Graphiquement ensuite, l’album est un véritable diamant noir. Alternant planches dessinées et pages de texte – dont la maquette imite les premiers ouvrages imprimés (lettrines, culs de lampe et feuilles aldines compris) –, l’objet livre est superbe. Quant au dessin au trait noir, il est tout simplement splendide. S’inspirant manifestement des œuvres de Dürer ou Holbein, on pourra aussi déceler ici et là des détails, des attitudes, des compositions puisés dans les retables anciens. Les visages des personnages semblent sortir aussi bien du cinéma expressionniste que des toiles de Bosch ou Breughel (les traits d’un protagoniste, Joss Fritz, semblent même inspirés de ceux de l’acteur Klaus Kinski, « gueule » s’il en est).
Si l’ouvrage semble peu adapté à l’évocation des réformes en classe de 5e, tant par son contenu trop complexe que par son graphisme ou sa narration, il peut en revanche servir en 2de pour évoquer les bouleversements religieux de l’Europe du XVIe siècle. Quoi qu’il en soit, l’historien amateur de romans graphiques sera comblé par cette « œuvre au noir ».
Informations
- David Vandermeulen (scénario)
- Ambre (dessin)
- Éditions 6 pieds sous terre
- 2017
- 240 p., 35 €
Leurs ancêtres les Gaulois
Alors que la question du « récit national » revient régulièrement sur le devant de la scène, signalons la parution en poche du sémillant ouvrage de Jean-Noël Jeanneney et Jeanne Guérout initialement paru aux éditions des Arènes. Ce petit livre permettra assurément d’enrichir les débats.
Les deux historiens ont en effet rassemblés une équipe d’historiens étrangers pour évoquer 50 grandes dates de l’histoire de France, sorte d’étapes obligées des manuels scolaires et des chronologies. Il est assez rafraichissant de découvrir comment une historienne australienne traite la mort de Saint Louis, un Allemand évoque la bataille de Valmy à partir de sources littéraires prusso-allemandes ou quelle est la vision d’un Marocain sur l’Exposition coloniale de 1931.
Si certains auteurs sont, en quelque sorte, attendus sur une question (une historienne britannique sur la mort de Jeanne d’Arc, Gerd Krumeich sur la bataille de Verdun, Robert Paxton sur l’entrevue de Montoire), d’autres regards sont plus surprenants telle cette historienne japonaise traitant de la défaite de Diên Biên Phu ou ce professeur canadien évoquant le discours de De Gaulle à Phnom Penh.
Ce regard extérieur sur l’histoire de France ne manque pas d’apporter quelques surprises. On pourra juste regretter la faible part dévolue aux historiens africains et asiatiques ainsi que l’absence de voix latino-américaines.
Informations
- Jeanne Guérout et Jean-Noël Jeanneney (dir.)
- Éditions du Seuil, coll. Points Histoire
- 2018
- 448 p., 11 €
Opus Magnum
Le bel ouvrage que voici ! L’Académie des sciences vient de procéder à la numérisation et à la mise en ligne de l’intégralité de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot et d’Alembert.
Présentés par une équipe de 120 chercheurs, les 28 volumes originaux (dont notamment les 11 superbes volumes de planches) sont consultables en ligne. Un classement par domaines permet de se repérer thématiquement, un autre d’identifier aisément les contributeurs. Une documentation érudite et des notes éclairent l’ouvrage.
Ce travail colossal offre une seconde jeunesse à ce monument des Lumières, facilitant l’accès de chacun à ce véritable trésor du patrimoine intellectuel.
Informations
- http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie
L’œil absolu
Le site L’Histoire par l’image, développé par la RMN et le ministère de la Culture propose un éclairage sur l’Histoire par le biais d’œuvres d’art conservées dans les collections publiques.
Plus de 2 500 peintures, sculptures photographies, affiches, gravures ou dessins sont commentées par des spécialistes (historiens, conservateurs, archivistes…). Le contexte historique de chaque création artistique est présenté, puis elle est analysée et l’auteur en propose une interprétation, complétée par une bibliographie. Plus d’une centaine d’œuvres bénéficient d’une animation pour en apprécier les détails. La recherche peut s’effectuer par thèmes, par période, par mots-clés, par artiste, par type d’œuvre ou par lieu de conservation.
Célèbres ou moins connues, les œuvres proposées constituent un formidable musée d’Histoire virtuel dont les notices sont autant de cartels explicatifs.
Informations
- https://www.histoire-image.org/fr/recherche-thematique
Sur la route
C’est à un changement de perspective géographique que nous invite l’historien britannique Peter Frankopan, professeur d’Histoire globale à l’université d’Oxford. Plutôt que d’étudier l’histoire mondiale en adoptant la traditionnelle vision européocentriste focalisée sur le bassin méditerranéen, il déplace sont point de vue vers l’est et fait de l’Asie centrale le cœur de son étude du monde.
Ce vaste espace de passage, s’étendant des rives orientales de la Méditerranée à l’Himalaya, est traversé de couloirs de flux multiples d’hommes, d’idées, de produits manufacturés ou de ressources naturelles. Des acteurs jusqu’ici cantonnés aux marges de nos programmes scolaires parcourent ces « routes courant sur l’échine de l’Asie » : diadoques, Perses Sassanides, Khazars, peuples nomades de la steppe, Vikings rus’, khans Mongols, souverains Moghols ou Ottomans, compagnies de commerce européennes de la Vereenigde Oostindische Compagnie ou de l'East India Company ou encore soldats et explorateurs du Tsar. Quasi absentes de nos manuels d’histoire, les villes de Ctésiphon, Samarcande, Merv, Nishapur, Karakorum ou Luoyang reprennent leur place sur la carte. Les rapports entre puissances européennes puis entre superpuissances s’apprécient sous un autre jour à la lumière des enjeux commerciaux, stratégiques ou diplomatiques centre-asiatiques.
Foisonnant, cet ouvrage constitue un passionnant essai d’histoire globale.
Informations
- Peter Frankopan
- Titre original : The Silks Roads, A New History of the World
- Editions Nevicata
- 2017
- 736 p., 27 €